Dans la cuisine de…
Léa Doyen
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« Cuisiner les mots. Conjuguer les saveurs. » C’est ainsi que Léa résume sa passion commune pour la gastronomie et l’écriture. Passion dont elle est parvenue à faire un métier, non sans quelques détours évidemment ! C’est auprès des parents de son beau-père, ses « beaux-grands-parents » comme elle les appelle, qu’elle s’initie dès l’enfance au plaisir de la cuisine. Alors qu’elle souffrait d’anorexie infantile jusqu’à ses 5 ans, Léa découvre subitement l’univers de cet ancien chef-restaurateur et ancienne cheffe-pâtissière. « À chaque repas dominical, j’étais dans leurs pattes, à zieuter sur ce qui se passait sur le plan de travail : les découpes de volailles, les sauces qui mijotent, les pâtes qui lèvent au four… J’étais émerveillée par ce monde hyper sensoriel et puissant. Très vite, j’ai voulu apprendre à faire comme eux. J’ai commencé par la pâtisserie. J’enchaînais gâteaux sur gâteaux. J’étais devenue boulimique de recettes en tous genres. »
Ce goût ne se dément pas jusqu’à l’adolescence : « Je me souviens que je considérais la cuisine comme un espace d’affirmation, j’étais maîtresse de mes réalisations. À 18 ans, j’ai vécu une séparation très rude et là j’ai eu besoin d’aller encore plus loin, de partager ma passion. C’est là que j’ai monté mon blog « On n’y va pas avec le dos de la cuillère ». Mon blog avait une dégaine de skyblog mais peu m’importait, je postais mes recettes avec frénésie et c’est d’ailleurs à cette période que j’ai commencé à sortir des sentiers battus et à tenter de nouvelles choses en cuisine, de nouvelles associations de saveurs…. À prendre mon indépendance culinaire finalement ! »
Mais cette aventure naissante connaît un coup d’arrêt lorsque Léa est admise à Sciences Po. « Les études étaient très exigeantes, je découvrais un nouveau monde et progressivement je n’ai plus alimenté le blog. Je le ré-ouvrais de temps à autre dans une sorte d’élan optimiste puis je le refermais quelques mois après. Cette pause culinaire m’a certainement ébranlée mais avec le recul j’ai le sentiment que ça a été aussi la période où j’ai testé d’autres canaux d’expression, que je me suis ouverte à d’autres façons de parler de nourriture. Je pense d’ailleurs que c’est durant mes années universitaires que je suis passée du registre de la cuisine à celui de la gastronomie et que mon regard s’est davantage tourné vers les chefs, les producteurs, leurs démarches et leurs engagements. »
Mais elle parvient finalement à concilier les deux « Pour mon dernier semestre de master, je me suis spécialisée en œno-tourisme et je suis partie en stage en Bourgogne pour accompagner le classement UNESCO des Climats (NDLR : Un Climat en Bourgogne désigne une parcelle de vigne, associée à un cépage et un savoir-faire). La gastronomie n’a jamais été bien loin de moi, même si je ne le voyais pas forcément. »
Grâce à ce parcours, Léa est embauchée chez My Little Paris où elle restera 3 ans, en charge de l’organisation des événements liés à la gastronomie. Elle y collabore avec de grandes marques de Champagne et des chefs en vogue. « Mais j’ai aussi appris que la production n’était pas pour moi et que j’avais besoin de revenir à l’écriture et à la cuisine… Mais comment ? J’ai mis un an à trouver une réponse. À trouver ma voie. Je savais que je ne voulais pas devenir cheffe. J’en connaissais la réalité grâce à mes grands-parents et la systématicité des fourneaux ne me correspondait pas. »
Alors elle ré-ouvre son blog, bien décidée à ne plus jamais le fermer. Elle y poste des recettes mais aussi des chroniques culinaires sur des restaurants. « Je voulais que mon blog soit un reflet de ce qui m’anime : parler de produits, parler de chefs, parler d’assiettes. Et comme mes amis ne cessaient de me demander des bonnes adresses où manger, je me suis attelée à la tâche. Au bout du 13e post, tout s’est éclairé : je voulais devenir journaliste culinaire et critique gastronomique. »
Reprenant le chemin de l’école, elle passe son diplôme de journaliste du Vin et du Champagne, dont elle sort major, puis frappe à toutes les portes pour donner une nouvelle direction à sa carrière. « En quelques mois, j’ai fait des rencontres inoubliables où je me sentais entendue, où ma vision de la gastronomie et ce que je voulais en dire était compris. Désormais, je suis critique pour un guide célèbre et j’ai plein d’autres projets en cours. » Vous l’avez peut-être même aperçue face à Philippe Etchebest dans l’émission Objectif Top Chef !
Est-elle contente d’être passée par ces chemins de traverse ? « J’ai conscience d’avoir choisi une voie atypique, une voie exigeante aussi mais je ne me suis jamais autant sentie moi-même. Parler de cuisine, parler des chefs et avec les chefs, expliquer leurs assiettes, leurs démarches c’est pour moi un acte presque… politique. Manger a toujours été un acte aussi sensoriel que sociétal. En se mettant à table on dit beaucoup de chose de notre rapport à nous-même, aux autres, à notre environnement. Et c’est un peu de tout cela dont je souhaite témoigner par les mots, les recettes et les rencontres ! »
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11 December 2022