Dans l’atelier de…

Elena Papandréou

Temps de lecture : 3 minutes

« La céramique, c’est ma seconde vie et ma seconde chance. » Ce nouveau portrait est celui d’une battante. Dans une autre vie, Elena était chef de projet dans une agence de publicité parisienne : bonne ambiance, gros horaires et souvent l’occasion de se demander ce qu’elle faisait là…

 

Puis, comme dans la plupart des parcours menant à une reconversion, un gros grain de sable est venu enrayer la machine : « En 2017 on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Ça a bousculé ma façon d’envisager ma vie et ça a été le déclic. Pendant mes traitements, j’ai pris un cours de découverte du tournage et durant ces quelques heures j’ai tout oublié, c’était la première fois que ça m’arrivait, c’était un sentiment assez nouveau. Le contact avec la terre a un effet hypnotique et thérapeutique. En rentrant chez moi le jour-même, j’ai cherché un cours hebdomadaire où m’inscrire pour réessayer le plus vite possible. Et c’est comme ça que j’ai fait une première année de tournage tous les samedis chez Nathalie Richard dans le 18ème, et que l’idée a commencé à faire son chemin, sans vraiment m’en rendre compte, de tout plaquer pour faire une formation professionnelle et apprendre à tourner. »

 

A l’issue de ses traitements, Elena entre en rémission et la question de l’après se pose alors très concrètement : « J’ai dû commencer à envisager de reprendre une vie normale, de retourner au boulot… J’ai repris mon poste de chef de groupe en mi-temps thérapeutique, sans conviction ni motivation. Ce quotidien ne voulait plus rien dire pour moi, je trouvais tout sans intérêt et j’avais l’impression de perdre un temps précieux. Je voulais être mon propre patron, ne plus avoir de compte à rendre, sinon à moi-même, et surtout gérer mon temps et ma vie comme je l’entendais. » Cette fois, sa décision est prise : « J’ai sauté le pas assez vite à mon retour en agence, soutenue par ma direction, j’ai demandé un congé de formation et obtenu un financement auprès de l’Afdas… les planètes s’alignaient, je me suis lancée ! »

 

Débute alors pour elle une nouvelle aventure : « J’ai suivi la formation professionnelle des Arts et Techniques Céramiques pendant 6 mois, auprès de Christophe Bonnard et Grégoire Scalabre et obtenu mon CAP de tournage et animateur d’atelier en juin. Ensuite j’ai pu installer mon atelier chez mes parents, dans le 95, qui ont accueilli le projet avec enthousiasme ! C’est assez idéal comme situation pour débuter car la céramique nécessite un investissement de départ conséquent en matériel et ne pas avoir trop de charges à payer pour un lieu est un luxe. »

 

Les longs transports quotidiens et les horaires à rallonge font toujours partie de la vie d’Elena, mais désormais ils sont au service de sa passion ! « Je me sens hyper bien dans cet atelier au vert et au calme, le seul inconvénient est la distance mais j’essaie d’organiser mes semaines au mieux : je fais l’aller-retour au moins trois fois par semaine pour travailler sur ma production, parfois je dors sur place pour optimiser mon temps et faire des “charrettes”, et le reste du temps à Paris, où je m’occupe plutôt de l’aspect administratif, de mes outils de communication, etc. Tout ce qui est très chronophage par ailleurs ! »

 

Sa récente installation dans le métier n’a pas empêché Elena de rapidement développer sa propre signature, résultat de ses expérimentations : « J’ai profité de cette première année pour prendre le temps de trouver mon style, de creuser ce qui m’inspire, de faire de la recherche de formes et d’émaux. L’aboutissement a été une première collection dont je suis très fière, que j’ai enfin pu présenter « au public » et qui s’est vendue très rapidement. »

 

Faire la différence entre « Perdre son temps » et « Prendre son temps » : saisie par l’urgence de donner une nouvelle direction à sa vie, Elena n’en apprécie pas moins le temps long et la patience que réclame son art. « Ce travail m’a appris à prendre mon temps : créer une pièce est un processus long, sans compter le temps de recherches d’émaux, qui peut être infini. Avant j’étais dans un monde où il fallait vite répondre à tout, aujourd’hui c’est la terre qui décide. C’est aussi un métier qu’on ne finit jamais d’apprendre ! Avant de me lancer complètement dans cette aventure, je n’imaginais pas la richesse de ce savoir-faire : j’ai découvert que les combinaisons créatives étaient sans fin, en termes de types de terre, de formes, d’émaux, de décors, de techniques… ça donne le vertige parfois ! Le plus dur est d’arriver à se canaliser et se concentrer sur une piste à la fois. »

 

Les projets d’avenir d’Elena continuent de passer par la formation, mais cette fois, des autres : « J’ai commencé à donner des cours dans un atelier, bientôt dans d’autres j’espère. C’est un aspect de la vie de céramiste assez important, pour gagner sa vie évidemment, mais aussi pour transmettre les gestes, le plaisir, l’état d’esprit, le slow life… Et puis c’est important d’échanger avec d’autres pour continuer d’apprendre, c’est ce qui me manque le plus dans mon atelier isolé. En parallèle je continue à me former à l’émail auprès de Christophe Bonnard, qui est un savoir-faire encore à part, j’apprends les calculs de masses molaires, joue à la petite chimiste, c’est passionnant ! Les émaux sont pour moi ce qui donne tout leur caractère aux pièces, et le champ infini de possibilités, de couleurs, de textures, d’effets, de cristallisations… c’est ce qui rend leur découverte magique. »

Découvrez son travail ici.

 

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