Dans l’atelier de…

Claire Butel

Temps de lecture : 2 minutes

Vous savez ce rêve de citadin.e qu’on a toutes et tous, de plaquer notre vie de bureau pour apprendre un métier manuel et en faire notre nouveau quotidien ? Et bien Claire l’a mis en pratique très sérieusement. De chef de projet dans une agence d’événementiel, elle est passée par les bancs de l’École Boulle pour se former en ébénisterie et obtenir son CAP, puis par l’atelier d’un Meilleur Ouvrier de France pour se spécialiser en restauration et conservation de meubles. Aujourd’hui, elle possède son atelier en plein coeur de Paris.

 

« Depuis le début de ma vie pro, je sentais que j’avais envie d’aller vers autre chose sans réussir à le déterminer. Mais c’est quand j’ai fini par lâcher prise sur mes recherches que tout a débuté. Il y a eu plusieurs déclencheurs, tout d’abord j’ai eu 30 ans, avec le sentiment que c’était maintenant ou jamais si je voulais agir pour moi-même et non plus en fonction de ce que les autres attendaient de moi. Côté professionnel, je ne voyais plus d’évolution dans l’agence pour laquelle je travaillais. Et un jour, sur un banal conflit, j’ai dit que je voulais négocier mon départ alors que je ne l’avais pas du tout anticipé ! Je me suis donc retrouvée au pied du mur et en quelques heures à peine, la suite est devenue une évidence. »

 

Son amour des meubles, Claire le tient de ses parents. Son père craque pour ceux du XVIIIe et XIXe siècles, sa mère pour ceux des années 60 et 70. Elle grandit dans cet éclectisme d’amoureux des brocantes et s’intéresse au travail artisanal qui se cache derrière la création de ces objets. « Ces deux années de reconversion étaient très intenses. Le plaisir d’apprendre sans cesse, le vertige face à l’étendue de ce qui me restait à apprendre… C’est à la fois grisant et déroutant de tout reprendre à zéro, de se retrouver face à des outils dont j’ignorais les noms, d’apprendre de nouveaux gestes, un nouveau vocabulaire. Mais progressivement notre œil évolue et on se met à reconnaître les types de bois, les styles de meubles. »

 

« Quand je me suis reconvertie, j’ai pensé que je tournais la page de ma vie professionnelle d’avant et que j’en commençais une nouvelle d’ébéniste, comme si je n’avais fait que ça depuis toujours. Bien sûr c’était une erreur et maintenant je réalise que l’intérêt des parcours de reconversion est de mélanger les milieux et les expériences pour se nourrir de chacune d’entre elles et faire les choses différemment. »

 

C’est dans son atelier, au fond d’une cour fleurie qui accueille aussi d’autres artisans que Claire m’a reçu. « J’ai envie que ce lieu me ressemble, d’y mettre en valeur le travail des ébénistes et des designers des siècles précédents, tout en l’inscrivant dans le monde d’aujourd’hui. Lier le respect des techniques ancestrales et l’utilisation des moyens actuels. Je suis convaincue que malgré les modes, le meuble ancien aura toujours sa place dans un intérieur aux côtés du mobilier contemporain. Je crois en l’éclectisme des styles et des époques dans la décoration pour apporter une âme à un lieu. Et puis je le vois avec mes clients, l’affectif prend une part très importante dans la décision de conserver un meuble. Que ce soit en mémoire de la personne a qui il a appartenu précédemment ou parce que c’est un meuble chiné il y a des années auquel on tient, il y a plein de bonnes raisons de restaurer un meuble ancien. »

 

Claire est intarissable quand on la lance sur le sujet de son époque ou son style préféré. On apprend pêle-mêle que le terme ébéniste naît sous Louis XIII, que Boulle révolutionne la marqueterie sous Louis XIV, que les bouleversements politiques et sociaux du XIXe siècle influencent aussi le mobilier de leur époque, que pendant le Second Empire on pouvait déjà acheter à bas prix une chaise en kit à monter soi-même (Ikea n’a donc rien inventé…).

« Quelle que soit l’origine du meuble que j’ai entre les mains, ma méthodologie reste la même : analyser le meuble, déterminer son époque et ses techniques de fabrication, ses composants (quelles essences de bois ? quelle colle ? quel vernis ?) et sa structure originelle, ainsi que l’étendue des détériorations et pertes subies. Ensuite, j’établis un plan de restauration respectant les techniques et composants d’origine, autant que l’histoire du meuble.
J’aime autant cette partie d’analyse et de préparation que la partie manuelle qui suit. Dans cette dernière, j’apprécie le défi de reconstituer un élément manquant autant que l’état d’esprit presque méditatif que demandent certaines étapes comme le vernis au tampon ou la découpe de marqueterie. »

 

Pour l’avenir, Claire envisage de transmettre à son tour ce qu’elle a appris et continue d’apprendre chaque jour. « J’aimerais m’inspirer des techniques anciennes pour créer des objets modernes, avoir une approche pédagogique sur les notions de restauration et conservation auprès d’un public plus néophyte mais aussi être force de proposition sur des choix de styles et leur mélange dans un intérieur contemporain. »

Découvrez son travail ici.

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